En cas d’indemnisation limitée, si la victime bénéficie du droit de préférence, la créance de la caisse doit être déduite de chaque poste de préjudice sans tenir compte du partage de responsabilité
Arrêt Cass. 2ème Civile 8 juin 2021 – n°20-14.504
Monsieur R. a été victime d’un accident de la route impliquant un véhicule assuré auprès de la GMF, alors qu’il circulait à moto.
Les fautes commises par la victime ayant participé à son dommage, son droit à indemnisation a été limité à 50% par les juges du fond.
Cependant, la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE, dans son arrêt rendu le 16 janvier 2020, n’a pas tenu compte du droit de préférence de la victime sur la créance de la caisse, tiers payeur. Notamment, s’agissant de la perte de gains professionnels actuels subie par la victime et fixée à 22 706,02 €, la cour d’appel estime qu’il ne revient rien à la victime puisque le montant des indemnités journalières, d’un montant de 14 588,64 €, est supérieur à la dette du responsable, de 11 353,01 €.
Concrètement, les juges du second degré qui ont retenu que la faute de la victime entraînait une réduction de moitié de son droit à indemnisation ont favorisé la Caisse en lui permettant ainsi de recouvrer l’intégralité de ses prestations contre l’assureur, au détriment de Monsieur R.
M. R. fait grief à l'arrêt de condamner l'assureur à lui payer une indemnité limitée à 24 362,63 euros en réparation de son préjudice corporel, alors « que la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, son préjudice corporel doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, le tiers payeur ne pouvant lui-même exercer son recours que sur le reliquat ; qu'en décidant en l'espèce de déduire la somme totale de 29 322,97 euros versée à M. R. par la caisse, non du préjudice total évalué à 107 371,19 euros, mais de l'indemnité de 53 685,60 euros due par l'assureur après réduction de moitié du droit à réparation de M. R., et de permettre ainsi à la caisse de recouvrer l'intégralité de ses prestations contre l'assureur, au détriment de la victime subrogeante dont elle tenait ses droits, la cour d'appel a violé les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et 1346-3 du code civil. »
Dans cet arrêt rendu le 8 juillet 2021, la Cour de cassation ne fait que rappeler que les textes selon lesquels :
« Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie. Dans ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle » (L. n° 85-677, 5 juill. 1985, art. 31 ; CSS, art. L. 376-1).
L’arrêt rendu par la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE est en effet cassé pour violation des textes précités.
En effet, « dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat »
Il est rappelé par la Cour de cassation, dans l’hypothèse d’une indemnisation réduite, que la créance de la caisse doit être déduite de chaque poste de préjudice sans tenir compte du partage de responsabilité, le solde revenant alors en priorité à la victime dans la limite de la dette du responsable.
La Cour de cassation réitère ainsi sa position selon laquelle : « dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat »
Dans cet arrêt, la Cour de cassation, qui adopte une position pédagogue, va même jusqu’à préciser le mode de calcul que la cour d’appel aurait dû appliquer à savoir :
En conclusion, la victime qui bénéficie du droit de préférence lui permet d’être intégralement indemnisée au titre de sa perte de gains professionnels actuels (PGPA) contrairement à la Caisse Primaire d’assurance Maladie (CPAM).
Poste de préjudice | Montant global | Indemnité après réduction du droit à indemnisation à hauteur de 50% | Créance de la CPAM | Priorité victime Indemnisation lui revenant |
Recours tiers payeur sur le reliquat Indemnisation lui revenant |
PGPA | 22 706,02 € | 11 353,01 € | 14 588,64 € | 8 117,38 € | 3 235,63 € |