Accident médical fautif – Indemnisation du besoin en aide humaine – Rappel de la méthode de calcul devant les juridictions administratives
Une personne victime de séquelles neurologiques à la suite de sa prise en charge dans un hôpital public demande réparation de ses besoins en assistance par tierce personne.
La cour administrative d’appel refuse de faire droit à sa demande, au motif qu’elle « n'établissait pas (...) l'absence de perception de toute aide destinée à couvrir les frais d'assistance par tierce personne ».
Par cet arrêt du 30 novembre 2021, le Conseil d’Etat réitère la méthode de liquidation en matière administrative du besoin d’assistance par tierce personne pour une victime d’une erreur médicale.
Le conseil d’état rappelle en premier lieu la méthode indemnitaire que doivent adopter les juges du fond :
« Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant. Lorsque la personne publique n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, cette déduction ne doit toutefois être opérée que dans la mesure requise pour éviter que le cumul des prestations et de l'indemnité versée excède les dépenses nécessaires aux besoins d'aide par tierce personne, évaluées ainsi qu'il a été dit plus haut. »
C’est à ce premier titre qu’il annule la décision d’appel qui avait débouté la victime.
« 3. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour statuer sur la demande d'indemnisation des frais d'assistance par tierce personne présentée par Mme C..., la cour administrative d'appel n'a pas, contrairement à la règle rappelée ci-dessus, procédé préalablement à l'évaluation de ces besoins d'aide. Pour écarter cette demande, elle s'est en revanche fondée sur ce que l'intéressée " n'établissait pas (...) l'absence de perception de toute aide destinée à couvrir les frais d'assistance par tierce personne ". Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de l'instruction et n'était d'ailleurs pas soutenu devant elle que l'intéressée avait effectivement bénéficié de telles prestations, la cour a méconnu son office. »
Ainsi, le Juge doit :
Contrairement à la Cour de cassation, les juridictions administratives déduisent de l’indemnisation du poste tierce personne toutes les prestations de compensation du handicap versées au titre de l’aide humaine par l’assurance maladie, la MDPH ou encore par le Conseil général.
L’arrêt est également cassé pour ne pas avoir déterminé, pour la période postérieure à son arrêt, le besoin d'assistance par tierce personne de la victime dans le cas où elle reviendrait à domicile et le mode de calcul de l'indemnisation qui, dans ce cas, lui serait allouée à ce titre
Là encore, la haute juridiction pose la méthode :
« 4. Si le juge, saisi de conclusions tendant, pour une période à venir, à l'indemnisation de frais futurs d'assistance à domicile par tierce personne, n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime sera effectivement logée à domicile, ou hébergée dans une institution spécialisée dans laquelle ces frais ne seront pas exposés, il lui appartient d'accorder une rente couvrant les frais d'assistance par tierce personne à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à domicile. »
Puis le Conseil d’Etat l’applique à l’espèce pour censurer les juges d’appel :
« 5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C... était, à la date de l'arrêt attaqué, hébergée dans un établissement spécialisé, mais que, ainsi que le relève d'ailleurs l'arrêt, elle était susceptible de retourner ultérieurement dans son domicile familial. Il appartenait par suite à la cour administrative d'appel, conformément à la règle rappelée ci-dessus, de déterminer, pour la période postérieure à son arrêt, le besoin d'assistance par tierce personne de Mme C... dans le cas où elle reviendrait à domicile et le mode de calcul de l'indemnisation qui, dans ce cas, lui serait allouée à ce titre. En se bornant à juger que si Mme C... venait à ne plus être hébergée en établissement spécialisé il lui appartiendrait de faire connaître au groupe hospitalier du Havre ses besoins en assistance par tierce personne et que cet établissement devrait alors l'indemniser à hauteur de 25 % de la différence entre le montant de ces besoins et celui des aides éventuellement perçues et destinées à les couvrir, la cour a également méconnu son office. ».
Ainsi, il appartient au Juge de fixer, au moment même où il rend sa décision et non ultérieurement, le montant des besoins en tierce personne dans l’hypothèse où la victime hospitalisée retournerait à son domicile.