Par deux arrêts du 20 janvier 2022 (n° 20-10.529 ; n° 20-13.245), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue apporter des précisions quant aux exclusions de garantie relatives à une faute intentionnelle ou dolosive imputable à l’assuré.
Par principe, l’assurance de responsabilité va garantir le fait personnel de l’assuré.
Cependant, cette garantie du fait personnel n’est pas illimitée : il existe une exclusion légale de garantie, prévue par L.113-1 du Code des assurances :
« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ».
La question s’est principalement posée de savoir si une telle exclusion peut également avoir un caractère conventionnel.
Arrêt 1 – Article L.113-1 alinéa 1er - La clause prévoyant l’exclusion de garantie pour les dommages intentionnellement causés et provoqués par l’assuré est une clause ambiguë nécessitant une interprétation et n’est, dès lors, pas valable.
Dans sa décision du 20 janvier 2022, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler qu’une clause prévoyant l’exclusion de la garantie de l’assureur pour les dommages intentionnellement causés et provoqués par l’assuré ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée.
En l’espèce, des époux étaient propriétaires d’une maison à usage d’habitation assurée auprès d’une société d’assurance (l’assureur) selon un contrat multirisques habitation. L’épouse, voulant mettre fin à ses jours, s’est immolée par le feu, en incendiant des couvertures et en répandant de l’essence sur le sol, à l’intérieur de ce domicile.
L’assureur a décliné sa garantie pour les dommages occasionnés à l’habitation, compte tenu de l’origine volontaire de l’incendie. Les ayants-droit de la défunte ont assigné l’assureur en justice, afin d’obtenir le paiement d’une provision en application du contrat d’assurance. Devant les juges du fond, l’assureur a invoqué une clause d’exclusion de garantie présente dans le contrat, relative au caractère intentionnel de la faute de l’assuré, ayant entrainé la matérialisation du dommage.
En effet, les conditions générales de la police souscrite auprès de l’assureur prévoyaient que sont exclus de la garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité ».
Les juges d’appel ont décidé qu’une telle clause était une clause formelle et limitée, stipulée en des termes précis, et qu’il s’en induisait que les dommages résultant d’un incendie intentionnellement déclenché par l’accusé, comme c’était le cas en l’espèce, étaient exclus de la garantie de l’assureur, qu’ils aient été voulus ou qu’ils soient une conséquence involontaire de l’incendie déclenché volontairement par l’assuré.
La Cour de cassation casse et annule cette décision. En effet, elle indique qu’en statuant ainsi, les juges du fond ont procédé à une interprétation de la clause d’exclusion. Par conséquent, cette clause ayant un caractère ambiguë, ne peut être considérée comme étant formelle et limitée. Dès lors, une exclusion de garantie fondée sur la faute volontaire de l’assuré n’est pas valable lorsqu’elle est d’origine contractuelle et qu’elle est ambiguë.
Arrêt 2 – Article L.113-1 alinéa 2 - La « faute dolosive » de l’assuré s’entend d’un acte délibéré de l’assuré, commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
Comme mentionné plus haut, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 113-1 du Code des assurances, l’assureur n’est pas tenu de répondre des sinistres provoqués par une faute intentionnelle ou dolosive de son souscripteur. Pendant longtemps, la Cour de cassation retenait une définition unitaire et restrictive de la faute intentionnelle et dolosive, à savoir, une faute volontaire de l’assuré, qui a activement recherché à réaliser le dommage, tel qu’il s’est matérialisé.
Dans sa décision du 20 janvier 2022, la Cour de cassation apporte une précision en ce qu’elle vient affiner la définition de la faute dolosive. En effet, la faute dolosive devient celle issue d’un acte délibéré de l’assuré, commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
En l’espèce, une femme assurée auprès d’une société d’assurance (l’assureur) a décidé de mettre fin à ses jours en se positionnant sur une voie de chemin de fer à passage à niveau d’un train appartenant à la société SNCF. La SNCF a, ensuite, assigné l’assureur de la défunte en indemnisation, arguant d’un préjudice. Cependant, l’assureur s’est opposé à cette demande, en invoquant notamment la commission d’une faute dolosive par l’assurée.
Les juges du fond ont débouté la SNCF de leurs demandes, au motif qu’il existait dans le contrat une clause d’exclusion de garantie relative aux dommages résultant d’un fait volontaire de l’assuré, causés intentionnellement par lui ou étant la conséquence involontaire d’un acte volontaire.
A nouveau, la Cour de cassation casse et annule cet arrêt, en estimant que la cour d’appel a procédé à l’interprétation d’une clause d’exclusion ambiguë, ce dont il résulte qu’elle n’était ni formelle, ni limitée. En outre, elle vient préciser le sens attribué à la faute dolosive qui doit s’entendre comme étant un acte délibéré de l’assuré, commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.