Droit des assurances – Prévoyance – Interprétation des clauses contractuelles

Selon la loi EVIN du 31 décembre 1989 (n°89-1009), la prévoyance regroupe « les opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque chômage ». 

Ainsi, en droit des assurances, la prévoyance vise tous les contrats et garanties permettant de couvrir les risques sociaux auxquels peut faire face une personne en cas d’arrêt de travail, afin qu’elle puisse maintenir son niveau de vie et celui de sa famille. 

L’interprétation des clauses de tels contrats peut porter à confusion. En effet, il n’est pas rare que des procédures aillent jusque devant le juge, car les parties n'ont pas la même interprétation du contrat. Voici deux jurisprudences qui peuvent s’avérer utiles en cas de difficulté d’interprétation de tels contrats d’assurance.

Arrêt 1 – Arrêt de la Cour d’appel de ROUEN du 16 septembre 2010 (n°09/04541) : la nécessité d’interpréter in concreto les clauses du contrat de prévoyance

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Rouen a eu l’occasion d’apporter des précisions quant à l’interprétation d’une clause portant sur l’incapacité temporaire totale de travail, issue d’un contrat de prévoyance souscrit par un gérant majoritaire de société. Ledit contrat a été souscrit par le gérant d’une société exploitant plusieurs agences immobilières et garantissait notamment le versement d’indemnités en cas d’incapacité ou d’invalidité. 

Quelques années après la souscription du contrat, l’assuré a présenté un accident vasculaire cérébral et a été hospitalisé. Sa compagnie d’assurance a pris en charge le sinistre. Les prestations ont par suite cessé lorsque qu’un médecin conseil a examiné l’assuré, à la demande de la compagnie d’assurance, et a fixé la fin de sa période d’incapacité temporaire totale de travail, tout en retenant le maintien d’une incapacité temporaire partielle. L’assuré a contesté cette décision. Un Expert a été désigné par le juge des référés, puis la compagnie d’assurance a été assignée par son souscripteur devant la juridiction de jugement. 

En première instance, l’assuré a été débouté de sa demande de prise en charge de son arrêt de travail par la compagnie d’assurance, au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail. Il a interjeté appel de cette décision. 

Les juges d’appel ont ainsi eu à se prononcer quant à l’interprétation de la clause stipulant qu’un assuré « est considéré comme en état d’incapacité temporaire totale lorsque, à la suite d’un accident ou d’une maladie, il est dans l’incapacité absolue, complète et continue de travailler ». Cette clause précisait par ailleurs qu’aucune indemnité ne serait versée en cas d’incapacité temporaire partielle. 

Il a été rappelé dans cet arrêt qu’une telle clause devait faire l’objet d’une interprétation « in concreto », « au regard de l’activité professionnelle exercée effectivement par l’assuré avant la maladie ou l’accident ». Ainsi, les juges de première instance auraient dû apprécier si, en l’espèce, la profession exercée par l’assuré pouvait effectivement être pratiquée à temps partiel, sans quoi, il était justifié qu’il soit conclu à une incapacité temporaire totale de travail pour la période litigieuse. 

Par conséquent, la cour d’appel a infirmé le jugement de première instance et a considéré que l’assuré étant en état d’incapacité totale de travail sur la période litigieuse. Il était donc garanti à ce titre.

Arrêt 2 – Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 26 novembre 1991 : l’interdiction pour les juges du fond de transformer des conditions alternatives en des conditions cumulatives

Dans cet arrêt, le litige portait sur une clause ainsi rédigée : « l’assuré est réputé en incapacité totale temporaire de travail s’il se trouve, par suite de maladie, d’accident, dans l’incapacité physique complète constatée médicalement, de continuer son travail ou d’exercer une activité professionnelle », issue d’un contrat d’assurance de groupe souscrit aux fins de garantir notamment le risque d’incapacité totale temporaire de travail du souscripteur. 

L’assuré, menuisier, avait contracté un emprunt auprès d’un établissement de crédit et avait adhéré, dans ce cadre-là, adhéré audit contrat. Pour des raisons relatives à son état de santé, il a été contraint de cesser son activité professionnelle. Son assureur avait commencé à assurer les remboursements des prêts sur une certaine période, puis a refusé de poursuivre cette prise en charge, au motif que l’assuré n’était plus en incapacité totale de travail au sens du contrat. 

L’assuré a demandé aux juges du fond de prononcer la condamnation de son assureur à poursuivre le remboursement du prêt, ce qui a été refusé en appel. 

En effet, la cour d’appel a décidé qu’il ressortait des dispositions du contrat que, « pour pouvoir prétendre à la prise en charge des échéances de son prêt, l'assuré devait établir qu'il se trouvait, non seulement dans l'incapacité de continuer son travail, mais également dans celle d'exercer « une activité professionnelle » quelconque ». Les juges ont également constaté que si l’assuré ne pouvait plus exercer en tant que menuisier, il n’était pas pour autant dans l’impossibilité physique d’exercer une autre activité professionnelle quelconque. 

Dans son arrêt du 26 novembre 1991, la Cour de cassation casse cet arrêt par un attendu de principe affirmant que « dénature la clause claire et précise d'un contrat d'assurances qui dispose que " l'assuré est réputé en incapacité totale temporaire de travail s'il se trouve, par suite de maladie, d'accident, dans l'incapacité physique complète constatée médicalement, de continuer son travail ou d'exercer une activité professionnelle ", la cour d'appel qui impose à l'assuré d'établir à la fois l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de continuer son travail et celle d'exercer une activité professionnelle quelconque, transformant ainsi des conditions alternatives en conditions cumulatives ».

Ces deux arrêts réaffirment le principe selon lequel on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucune. Dans le doute, la convention doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.


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