Cass. 2ème Civ. 6 mai 2021 – n°20-14.551
Madame F., handicapée, qui est infirme moteur cérébral et souffre d'une hémiplégie droite effectue tous ses déplacements à l'extérieur en fauteuil roulant électrique.
Le 11 février 2015, alors qu’elle se déplaçait en fauteuil roulant, elle a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société AREAS DOMMAGES.
Suite à cet accident, elle a été blessée et a donc subi un préjudice corporel.
Cet assureur a refusé de l’indemniser au double motif :
C’est dans ce contexte que la victime a engagé une procédure au fond estimant qu’elle devait être considérée comme étant piéton et que son droit à indemnisation devait en conséquence être intégral.
Dans son arrêt rendu le 30 janvier 2020, la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE, sur le fondement des articles 3 et 4 de la loi Badinter, a validé la position de l’assureur selon laquelle, Madame F. conduisait un fauteuil roulant électrique qui était muni d'un système de propulsion motorisée, d'une direction, d'un siège et d'un dispositif d'accélération et de freinage, de sorte qu'il avait vocation à circuler de manière autonome et devait donc être assimilé à un véhicule terrestre à moteur.
Néanmoins, et contrairement à l’assureur, les juges du fond ont considéré que les fautes commises par la victime n’étaient de nature qu’à réduire, et non à l’exclure, son droit à indemnisation.
Après avoir refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel portant sur la qualité de conducteur d’un véhicule terrestre à moteur d’une personne circulant en fauteuil roulant électrique, la Cour de cassation dans cet arrêt se prononce en faveur de la victime handicapée.
Madame F. fait grief à l'arrêt d’avoir considéré que son fauteuil roulant devait être assimilé à un véhicule terrestre à moteur, alors même qu’étant handicapée, il est son seul moyen de déplacement.
Elle fait valoir :
Dans cet arrêt rendu le 6 mai 2021, la Cour de cassation qui opère un revirement de jurisprudence casse donc l’arrêt d’appel au visa des articles 1, 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tels qu’interprétés à la lumière des objectifs assignés aux États par les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mars 2007.
En effet, elle considère que par l’instauration d’un dispositif d’indemnisation sans faute (L. Badinter, art. 3), « le législateur, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d’usagers de la route, à savoir les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap ».
Dès lors, un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.
En conséquence, cette victime n’ayant pas la qualité de conductrice d’un véhicule terrestre à moteur, il ne peut lui être opposé une faute pour réduire ou exclure son indemnisation en application de l’article 4 de la loi précitée.
En admettant le contraire, cour d’appel a violé la loi Badinter selon la Cour de cassation.
Dans cet arrêt de principe, la Cour de cassation exclut formellement les fauteuils roulants, qu’ils soient motorisés ou non, du champ d’application de la loi du 5 juillet 1985, en considérant que ces derniers ne sont pas des véhicules terrestres à moteur.
Cette décision va dans le sens de l’évolution de l’esprit de la loi du 5 juillet 1985 qui protège particulièrement les victimes non conductrices du fait de leur âge ou de leur handicap.