L’indemnisation de la tierce personne ne saurait être réduite en cas d’aide familiale et les frais de logement adapté peuvent comprendre son achat ou sa construction.
Arrêt Conseil d’Etat 27 mai 2021 – n°433863
Lors de sa naissance, la jeune C. F. est atteinte d'une infirmité motrice cérébrale imputable aux fautes d’un centre hospitalier.
La responsabilité de l’Etablissement de santé ayant été reconnue, le débat porte sur l’indemnisation des préjudices de l’enfant et notamment :
Dans son arrêt rendu le 25 juin 2019, la cour d’appel de BORDEAUX fixe le montant de l’indemnité due au titre des frais d’assistance par une tierce personne en sa basant sur un taux horaire de 13 euros.
Concernant le logement, la cour d’appel après avoir relevé que l'intéressée soutenait se trouver dans l'impossibilité d'aménager le logement dont elle était locataire ou d'en louer un autre qui soit adapté aux besoins de sa fille, a jugé qu'en tout état de cause, en cas d'achat ou de construction d'un logement adapté, seuls les frais exposés pour aménager un tel logement conformément aux besoins de l'enfant étaient susceptibles d'être indemnisés.
Madame F. fait grief à l'arrêt d’avoir considéré que :
et
S’agissant du montant des frais d’assistance, le Conseil d’Etat indique :
« Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
Par suite, en retenant, sur la seule base d'une référence au montant du salaire minimum brut augmenté des cotisations sociales dues par l'employeur, un taux horaire de 13 euros pour déterminer le montant de l'indemnité due à la jeune C au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne, sans tenir compte, ainsi qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, de ce qu'une assistance adaptée à sa situation de handicap s'élevait un coût plus d'une fois et demie supérieur au montant retenu, la cour a méconnu les règles énoncées au point précédent.
Mme F et autres sont, par suite, fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant que celui-ci fixe le montant de ces frais d'assistance en retenant un taux horaire de 13 euros. »
Par cet arrêt rendu le 27 mai 2021, le Conseil d'État, réitère sa position (CE, 25 mai 2018, n°393827) selon laquelle il n'appartient pas au juge de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime pour limiter le coût horaire de l’aide humaine.
A ainsi déjà été cassé l’arrêt qui restreint à une certaine somme l'indemnisation des préjudices subis par un enfant né handicapé au titre de la tierce personne au prétexte que la prise en charge de l'éducation de l'enfant est assurée par sa grand-mère (Cass. ass. plén., 28 nov. 2001, n° 00-14.248).
Le Juge doit se fonder sur un taux horaire permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.
Comme la Cour de cassation, le Conseil d’Etat rappelle que le montant de la tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance familiale. (Cass. 2e civ., 24 nov. 2011, n°10-25.133).
« après avoir relevé que l'intéressée soutenait se trouver dans l'impossibilité d'aménager le logement dont elle était locataire ou d'en louer un autre qui soit adapté aux besoins de sa fille, a jugé qu'en tout état de cause, en cas d'achat ou de construction d'un logement adapté, seuls les frais exposés pour aménager un tel logement conformément aux besoins de l'enfant étaient susceptibles d'être indemnisés.
En statuant ainsi, alors que, outre les dépenses d'aménagement du logement rendues nécessaires par le handicap de l'enfant, d'autres dépenses nées d'une décision d'achat ou de construction d'un logement sont, dès lors qu'une telle décision est imposée par le handicap de l'enfant et dans la mesure où ces dépenses visent à répondre à ses besoins, susceptibles d'être regardées comme étant en lien direct avec la faute de l'établissement de santé et comme devant, par suite, faire l'objet d'une indemnisation, la cour a commis une erreur de droit.
Mme F et autres sont, par suite, fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant que celui-ci statue sur l'indemnisation des frais exposés pour la construction d'un logement adapté au handicap de sa fille. »
Par cet arrêt de principe rendu le 27 mai 2021, le Conseil d’Etat considère pour la première fois que les frais d’acquisition et d’aménagements d’un logement exposés par la victime et rendus nécessaires du fait de sont handicap doivent être pris en charge dans leur totalité.
La position du Conseil d’Etat rejoint celle de la Cour de cassation laquelle estime depuis plusieurs années que le juge doit rechercher si l’acquisition d’un logement mieux adapté est rendu nécessaire à raison du handicap de la victime et du mode de vie qu’il lui impose (Cass. 2e civ., 2 févr. 2017, n°15-29.527).
De surcroît, la Cour suprême admet que l’aménagement d’un logement loué est de fait impossible, car il est conditionné à l’accord du propriétaire et il serait, par nature, précaire (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n°08-11.127).
En effet, si le handicap a rendu nécessaire des aménagements incompatibles avec le caractère provisoire d'une location et que les conséquences dommageables de l'accident l'ont contrainte à acquérir un terrain et à y faire construire une maison comportant des aménagements motivés par ses séquelles physiques, les frais d'acquisition et d'aménagements de la maison exposés par la victime doivent être pris en charge en totalité par le responsable, indépendamment de l'économie réalisée par le non-paiement d'un loyer et de la réalisation d'un placement immobilier (Cass. 2e civ., 5 février 2015, n°14-16.015).