Par cet arrêt de principe rendu le 1er décembre 2022, la 2ème Chambre Civile de la Cour de cassation vient affirmer que l’autorité de la chose jugée au pénal s’impose sur l’existence du fait commun aux deux actions, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de son auteur.
Le 4 octobre 2011, Monsieur J., salarié de la société M., a été victime d’un grave accident du travail. Les salariés de l’entreprise, dans laquelle travaillait la victime, avaient isolé une pompe qu’ils s’apprêtaient à démonter afin de la réparer.
Suite à l’ouverture inopinée de la vanne située entre la pompe et le stockage d’ammoniac, un jet d’ammoniac a surgi brutalement et a aspergé Monsieur J., le brûlant gravement et engendrant ainsi de graves lésions corporelles.
Suite à cet accident à l’origine d’un dommage corporel important entraînant des souffrances physiques et morales ainsi qu’une incapacité de travail pour la victime, une enquête a été menée afin de déterminer le ou les responsables de l’accident et si l’employeur avait commis des fautes et manqué à son obligation de sécurité.
Dans leur rapport, les services de police ont conclu que les causes d’ouverture de la vanne d’aspiration étaient indéterminées. Par jugement définitif du tribunal de police, l’employeur a été relaxé des poursuites du chef de blessures involontaires.
Présentant une incapacité permanente, Monsieur J. a saisi le Tribunal civil (Tribunal des affaires de sécurité sociale devenu aujourd’hui pôle social du Tribunal Judiciaire) dans le but de faire reconnaître la faute de l’employeur et de solliciter ainsi une expertise pour lui permettre d’obtenir une indemnisation.
Dans son arrêt confirmatif rendu le 19 novembre 2020, les juges d’appel ont estimé que l’employeur avait commis une faute inexcusable à l’origine des préjudices subis par Monsieur J, ont fait droit à sa demande d’expertise médicale et ont estimé que sa demande de dommages et intérêts était fondée.
La cour d’appel de PAU a considéré que quelle que soit la cause de l’ouverture de la vanne, le dispositif de sécurité était inadéquat et que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître le fait que cette vanne n’était munie d’aucun dispositif de verrouillage, en position fermée, contrairement aux règles de sécurité applicables à la matière.
Suite à cet arrêt retenant un manquement de l’employeur pour non respect d’une obligation de sécurité en matière de risques professionnels, ce dernier a décidé de se pourvoir en cassation en faisant valoir que :
Par cet arrêt du 1er décembre 2022 (n°21-10773), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et revient au principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil en matière de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en cas de relaxe de l’employeur.
La Cour de cassation décide, au visa des articles 4-1 du code de la procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, que « si le premier de ces textes permet au juge civil, en l’absence de faute pénale non intentionnelle, de retenir une faute inexcusable en application du second, l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de l’innocence de celui à qui le fait est imputé ».
Cette décision modifie ainsi la jurisprudence établie depuis plus de 20 ans selon laquelle la déclaration par le juge pénal de l’absence de faute pénale ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation estime que si le juge pénal a écarté un manquement aux règles de sécurité, la cour d’appel, statuant en matière civile, ne pouvait donc pas retenir de faute inexcusable dès lors que cette faute avait été éliminée par le juge répressif.
Pour toute question, vous pouvez joindre le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, intervenant pour l’indemnisation des victimes d’accident du travail.