Le non respect des recommandations professionnelles engage la responsabilité du médecin régulateur du SAMU

Le Conseil d'Etat rappelle par cet arrêt rendu le 10 octobre 2023, que le non respect des recommandations professionnelles par un médecin régulateur du SAMU ne fait pas disparaître sa responsabilité quand bien même celle du médecin généraliste a été reconnue.

Le contexte du défaut de diagnostic d'une méningite à pneumocoque chez un nourrisson

Les parents d'un nourrisson, âgé de seulement 17 jours et souffrant d’une forte fièvre, se voient orienter par le médecin régulateur du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) vers un praticien généraliste d’une maison médicale de garde.

Le médecin généraliste se limite à prescrire du paracétamol à l'enfant sans même le faire hospitaliser compte tenu de son très jeune âge.

Devant la persistance des symptômes, le bébé est conduit 48 heures plus tard au centre hospitalier auquel le SAMU est rattaché. 

Les investigations effectuées mettent en évidence une méningite à pneumocoque, qui est une urgence médicale absolue.

Ce retard de diagnostic est malheureusement à l'origine de lourdes séquelles neurologiques pour l'enfant.

Les fautes médicales reprochées par les parents du nourrisson à l'encontre du médecin généraliste devant le juge civil

Eu égard à l'importance des séquelles conservées par leur enfant, les parents de la victime ont saisi le Tribunal civil estimant que le médecin généraliste avait commis une erreur dans le diagnostic.

Après avoir fait diligenter une expertise médicale, les juges civils ont considéré que le non diagnostic de la méningite à pneumocoque était de nature à engager sa responsabilité et celle de son assureur.

Le Tribunal civil condamne le médecin généraliste ainsi que son assureur à indemniser l’enfant et ses parents à hauteur d’une perte de chance d’éviter les séquelles.

L'action récursoire du médecin généraliste et de son assureur à l'encontre du médecin régulateur du SAMU devant le Tribunal Administratif

Estimant que le médecin régulateur a également commis une faute participative au dommage pour ne pas avoir adressé l'enfant au service des urgences de l'hôpital mais à la maison médicale de garde, le médecin généraliste et son assureur recherchent, devant la juridiction administrative, la responsabilité du centre hospitalier pour cette erreur d’appréciation.

Cette action, tendant à obtenir le remboursement pour partie ou en totalité des sommes dont ils ont été condamnés devant le Juge Civil, est rejetée devant le Juge Administratif. 

Si la juridiction administrative admet que le choix du médecin régulateur du SAMU d'orienter l’enfant vers un généraliste est bien fautif et « portait en lui-même l'entier dommage » cependant, eu égard au bref délai écoulé entre cette décision et l'examen de l'enfant par le médecin généraliste, la faute du médecin régulateur ne peut être regardée comme une des causes déterminantes des préjudices subis.

Les requérants ont décidé de se pourvoir en cassation.

Le rappel par le Conseil d'Etat des recommandations en vigueur devant être respectées par tous les professionnels de santé

Par cet arrêt du 10 octobre 2023 (n°461535), le Conseil d'Etat rappelle que les recommandations médicales en vigueur au moment des faits préconisent, devant la difficulté de diagnostiquer une méningite bactérienne chez un nourrisson, de toujours hospitaliser un enfant de moins de 28 jours présentant une forte fièvre, afin de débuter une antibiothérapie systématique en attendant les résultats des prélèvements.

En conséquence, l'arrêt de la cour administrative d'appel est annulé.

En ce sens, le Conseil d'Etat estime :

" Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux."

Le Conseil d'Etat renvoie l'affaire devant une autre cour administrative d'appel qui devra statuer sur la part de responsabilité du médecin régulateur (qui ne fera pas disparaître la part imputable au généraliste dont il est également reproché le non respect des recommandations).

En effet, et comme le précise la cour suprême :

"(…) la faute commise par le médecin régulateur du SAMU en n'orientant pas immédiatement, sur l'appel de la mère, l'enfant vers les urgences pédiatriques du centre hospitalier de Carcassonne portait en elle, tout comme le diagnostic erroné posé trente minutes plus tard par le docteur C, médecin de la maison de garde, la totalité des conséquences dommageables du retard de diagnostic et de traitement de la méningite à pneumocoque. En jugeant que la faute commise par le médecin régulateur ne pouvait, du fait de l'erreur de diagnostic commise ensuite par le docteur C, être regardée comme une cause déterminante du préjudice subi et en rejetant pour ce motif l'action de Mme C et de son assureur devant les juridictions administratives, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit."

Pour rappel, la méningite à pneumocoque est la plus fréquente chez un enfant.

Elle se traduit par des mots de tête intenses souvent accompagnés de nausées et de vomissements ainsi que des marbrures sur son corps.

Son diagnostic précoce par un professionnel de santé (médecin régulateur du SAMU, urgentiste, généraliste…) est tout à fait primordial et nécessite une prise en charge médicale immédiate et en urgence.

En effet, son évolution péjorative de survenue rapide peut aboutir à une perte de connaissance pouvant entraîner son décès ou des séquelles irréversibles.

Pour prouver une faute médicale en cas de retard ou de non diagnostic d’une méningite à pneumocoque ou d’une prise en charge défaillante, il conviendra de mettre en avant que les examens suivants n’ont pas été faits ou n’ont pas été réalisés dans des délais adéquats, à savoir :

  • Un examen médical incomplet
  • La réalisation d’une ponction lombaire qui demeure un examen primordial pour mettre en évidence le diagnostic de méningite et adapter un traitement médicamenteux
  • Des analyses sanguines (bilan biologique, hémocultures…)
  • Un électroencéphalogramme
  • Un scanner ou une IRM du cerveau si des lésions cérébrales sont suspectées
  • La mise en place d'un traitement antibiotique adapté

En cas de fautes avérées, et après une expertise médicale qui confirmera l’erreur de diagnostic et fixera les séquelles indemnisables, une indemnisation pourra être demandée dans le cadre d’une procédure amiable ou judiciaire.  

Pour toute question, vous pouvez joindre le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, intervenant pour les victimes d’erreurs médicales.


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