Arrêt Cass. 2ème Civile 23 septembre 2021 – n°20-13.792
Monsieur Q., victime de maladies professionnelles, a fait reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Outre la majoration de la rente obtenue et fixée à son maximum, il sollicite l’indemnisation des préjudices complémentaires définis à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale selon lequel : « indépendamment de la majoration de rente quelle perçoit…, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elles endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ».
Au titre du préjudice d’agrément, il demande la somme de 40.000 euros arguant du fait :
Cependant, la cour d’appel de COLMAR, dans son arrêt rendu le 9 janvier 2020, a rejeté la demande estimant que le déficit fonctionnel, qui en est à l’origine, est déjà indemnisé dans la rente allouée et, pour la période antérieure à la consolidation, dans les souffrances endurées et le déficit fonctionnel temporaire.
De surcroît, la cour d’appel de COLMAR mentionne que les difficultés à conduire de la victime qui l'amènent à envisager l'acquisition d'un véhicule automatique ne peuvent être indemnisées au titre du préjudice d’agrément.
Monsieur Q. fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande au titre du préjudice d’agrément alors « que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; que ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les plaintes de la victime relatives à l'impossibilité de participer comme auparavant aux tâches ménagères de la vie courante et activités de loisirs telles que jouer avec ses enfants ou faire de la natation, du vélo et du football avec eux ou ses amis découlent des attestations produites ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice d'agrément en résultant aux motifs que le déficit fonctionnel qui en est à l'origine est déjà indemnisé dans la rente allouée et dans les souffrances endurées et le déficit fonctionnel temporaire pour la période antérieure à la consolidation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime »
De même « qu'en refusant d'indemniser au titre du préjudice d'agrément les difficultés à conduire de la victime qui l'amènent à envisager l'acquisition d'un véhicule automatique aux motifs qu'il s'agit d'un poste de préjudice distinct qui n'a pas été visé par la mission d'expertise ni invoqué devant l'expert, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du rapport d'expertise judiciaire. »
Dans son arrêt rendu le 23 septembre 2021, la Cour de cassation rappelle que le préjudice d'agrément est limité à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir et que l'indemnité allouée doit se fonder sur l'existence de justificatifs produits par la victime d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie ou à l'accident, susceptible de caractériser l'existence d'un tel préjudice.
La cour suprême estime que ce poste de préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et qu’en l’espèce, les juges d’appel ont considéré par une décision motivée que la preuve de ce préjudice n’était pas rapportée.
En effet, les séquelles dont souffre une victime ne sont pas toutes réparables au titre du préjudice d’agrément dont la définition est strictement encadrée par la nomenclature Dintilhac selon laquelle :
« Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.) ».
Par ailleurs, la réparation de ce poste de préjudice suppose non seulement la production de justificatifs sur la pratique sportive antérieure mais également, la constatation par l’expert médical d’une contre-indication définitive à celle-ci.