C'est en ce sens que la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu en date du 6 décembre 2023 (n°22-20.786) considère que les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées n'incluent pas l'indemnisation du préjudice moral.
Le 10 janvier 2001, à la suite du diagnostic d'une subluxation rotulienne, M. Z a subi une décompression de la rotule sous arthroscopie pratiquée par un chirurgien orthopédiste.
Au cours de l'intervention, le médecin a décidé de procéder à une exérèse de la bourse prérotulienne.
Le 21 janvier 2001, à la suite de la survenue d'un hématome postopératoire, une nouvelle intervention chirurgicale a dû être réalisée.
Le 10 janvier 2011, reprochant la persistance de douleurs articulaires, le patient a assigné son chirurgien afin de solliciter une indemnisation pour le préjudice subi.
Après avoir fait diligenter une expertise médicale, les juges civils ont considéré que le médecin avait commis des fautes dans la prise en charge de Monsieur Z.
Le Tribunal civil condamne le chirurgien ainsi que son assureur à indemniser la victime pour son préjudice corporel.
Outre, l’indemnisation de ses séquelles corporelles comprenant notamment le Déficit Fonctionnel Permanent et ses souffrances endurées, la cour d’appel estime que Monsieur Z. est également bien fondé à solliciter en plus une indemnisation au titre de son préjudice moral eu égard à l’ablation illégitime d’un corps sain.
L'assureur du chirurgien a décidé de se pourvoir en cassation considérant que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne pouvait être indemnisé séparément au titre d'un préjudice distinct.
Par cet arrêt du 6 décembre 2023 (n°22-20.786), la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la position de la cour d'appel selon laquelle les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances n'incluent pas l'indemnisation du préjudice moral, dont elle a constaté l'existence.
En indemnisant distinctement le préjudice moral, la Cour de cassation considère que la cour d'appel n'a pas méconnu le principe d'une réparation intégrale sans pertes ni profit pour la victime.
Cet arrêt semble s'inscrire dans un revirement de jurisprudence.
En effet, et depuis longtemps la Cour de cassation retenait que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément.
Néanmoins, il convient de rester prudent dès lors que la 2ème Chambre Civile semble toujours intégrer l'indemnisation du préjudice moral dans le poste des souffrances endurées (avant consolidation) et dans le poste du déficit fonctionnel permanent (après consolidation).
De surcroît, et dans cet arrêt c'est précisément l'existence d'un poste de préjudice permanent exceptionnel constitué par l'ablation du organe sain qui peut faire admettre l'indemnisation du préjudice moral non couvert par les autres postes de préjudice déjà indemnisés.
Pour toute question, vous pouvez joindre le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, intervenant pour les victimes d’erreurs médicales.