Arrêt Cass. 2ème Civile 14 octobre 2021 – n°19-24.456
Le 7 juillet 2012, Madame Q., a été victime dans le cadre de son travail d’une tentative de vol aggravé.
Elle a saisi la CIVI d’une demande d’indemnisation fondée sur le rapport d’une expertise médicale ordonnée par le Tribunal Correctionnel et fixant la consolidation de son état de santé à la date du 7 janvier 2014.
Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) a contesté en appel les indemnisations qui lui ont été allouées par la CIVI et notamment, les pertes de gains professionnels actuels et les pertes de gains professionnels futurs.
La cour d’appel de RIOM, dans son arrêt rendu le 10 septembre 2019, a débouté Madame Q. de sa demande d’indemnisation au titre des pertes de gains professionnels actuels en déduisant, sur ce poste de préjudice, les arrérages échus de la rente versée avant la consolidation de son état de santé.
Dans son arrêt, la cour d’appel de RIOM, qui valide l’argumentation du FGTI, estime en effet qu'aucune perte de salaire n'est démontrée puisque la victime a commencé à percevoir, à compter du 24 novembre 2012, une rente accident du travail, qu'il convient de prendre en compte au titre des revenus perçus.
La cour d’appel de RIOM a par ailleurs débouté, en appel, Madame Q. de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs considérant que cette dernière ne justifiait pas de son préjudice car elle n’avait pas répondu à l’argumentation adverse selon laquelle elle ne produisait pas ses avis d'imposition 2016, 2017 et sa déclaration pré-remplie 2018, dont la demande avait été officiellement faite.
Madame Q. fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de sa demande d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels actuels et fait valoir « que les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de revenus éprouvés par la victime jusqu'au jour de sa consolidation ; que la rente accident du travail constitue l'assiette du recours du tiers payeur et n'a pas à être incluse dans les revenus perçus par la victime, sauf à prendre le versement de cette rente en compte deux fois, une première fois dans l'assiette des pertes de gains professionnels actuels et une seconde fois dans l'assiette des tiers payeurs ; que la rente accident du travail concourt à l'indemnisation de la perte des gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et, le cas échéant, du déficit fonctionnel permanent et s'impute sur ceux-ci ; qu'en imputant les arrérages de rente accident du travail sur les pertes de gains professionnels actuels de Mme Q., quand les arrérages de rente accident du travail ne pouvaient être imputés que sur les pertes de gains professionnels futurs, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée, L. 434-1, L. 434-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble du principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Madame Q. fait également grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de sa demande d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs et fait valoir « que ces pertes correspondent aux pertes de revenus professionnels subies par la victime à compter de la date de consolidation ; qu'en l'espèce, la consolidation ayant été fixée au 7 janvier 2014, il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur la perte de revenus subie en 2014, Mme Q. ayant versé aux débats son avis d'imposition 2015 sur les revenus de 2014, et lui accorder la somme correspondant à sa perte au titre des pertes de gains professionnels futurs 2014 comme l'avait fait le premier juge en fixant son préjudice à la somme de 5 620 euros ; que la cour d'appel a toutefois jugé que Mme Q. ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un tel préjudice ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait de réfuter les motifs des premiers juges que Mme Q. était réputée s'être appropriés en demandant la confirmation du jugement sur ce point, au titre de l'incidence professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile. »
Dans son arrêt rendu le 14 octobre 2021, la Cour de cassation rappelle au visa des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.
Voir dans le même sens les arrêts prononcés par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 19 mai 2009 et par la 2ème chambre civile les 11 juin 2009 et 19 novembre 2009 (Cass. 2ème civ. 11 juin 2009 (pourvoi n°08-16089) ; Cass. 2ème civ. 11 juin 2009 (pourvoi n°08-17581) ; Cass. 2ème civ. 11 juin 2009 (pourvoi n°07-21768) ; Cass. 2ème civ. 19 novembre 2009 (pourvoi n°08-18019)).
Dans cet arrêt, la 2ème Chambre Civile précise que la rente accident du travail, qui répare un préjudice permanent, quand bien même son versement aurait commencé avant la date de consolidation retenue par le juge, ne pouvait être imputée sur ce poste de préjudice patrimonial temporaire.
Par ailleurs, la Cour suprême casse également l’arrêt d’appel, s’agissant du rejet des pertes de gains professionnels futurs, pour insuffisance de motif au visa de l’article 455 du code de procédure civile.
En effet, les premiers juges lui ayant alloué la somme de 5.620 euros correspondant à sa perte de salaire sur l’année 2014, la cour d’appel se devait d’analyser les pièces versées aux débats par la victime.