Arrêt Cass. 2ème Civile 14 octobre 2021 – n°20-11.980
Les faits :
La société L. a donné en crédit-bail à Monsieur M., artisan, un véhicule utilitaire, contrat assorti de deux assurances de groupe souscrites auprès de l’assureur C. couvrant notamment les risques « décès-perte totale et irréversible d’autonomie-incapacité de travail ».
Le 22 septembre 2008, Monsieur M. a été victime d’un accident vasculaire cérébral à l’origine d’un long arrêt de travail.
L’assureur C. a convoqué Monsieur M. à une expertise médicale unilatérale, réalisée le 27 octobre 2011, laquelle a conclu que l’assuré présentait un taux d’incapacité inférieur à celui contractuellement fixé, soit 33%, et à ce que la pathologie dont souffrait actuellement Monsieur M., non couverte par le contrat, n’était plus liée à l’accident vasculaire cérébral.
En conséquence, l’assureur a opposé un refus de garantie au titre de l’incapacité permanente pour ce double motif.
C’est dans ce contexte que Monsieur M. a été assigné par la société L. en paiement des sommes restant dues et en restitution du véhicule. L’assureur C. est intervenu volontairement à l’instance.
La cour d’appel de Fort de France, dans son arrêt rendu le 12 février 2019, a débouté Monsieur M., de sa demande de garantie dirigée contre l’assureur C.
Dans son arrêt, la cour d’appel de Fort de France estime que la clause d'exclusion litigieuse figurant dans la notice d'information prévoit, en caractères lisibles et gras, des exclusions applicables pour la garantie incapacité de travail, regroupant l'incapacité temporaire totale et l'incapacité permanente, parmi lesquelles « les sinistres résultant d'une atteinte discale ou vertébrale ou radiculaire : lumbago, brachiale, protusion discale, hernie discale, cervicalgie, dorsalgie, coccygodynie, sauf si cette affection a nécessité une intervention chirurgicale pendant cet arrêt de travail. »
La cour d’appel de Fort de France a par ailleurs débouté, en appel, Monsieur M. de sa demande de garantie et d’expertise judiciaire sollicitée considérant que si le rapport d’expertise de l’assureur n’a pas été communiqué aux débats, cela résulte du seul comportement de Monsieur M. qui n’a pas donné suite à la demande de levée du secret médical et que ce dernier n’est pas en mesure de rapporter la preuve que le taux retenu par l’expert de l’assureur serait contestable.
Monsieur M. fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande de garantie dirigée contre l’assureur et fait valoir « que dans un contrat d'assurance, les clauses des polices édictant des exclusions de garantie ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; qu'en relevant que la clause d'exclusion des garanties était rédigée en caractères lisibles et gras sans vérifier ni faire apparaître que ces caractères étaient très apparents et susceptibles d'attirer spécialement l'attention de l'intéressé, la cour d'appel a violé l'article L.112-4 du code des assurances. »
Monsieur M. fait également grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande de garantie contre l’assureur et d'expertise judiciaire et fait valoir « 1°/ que le secret médical, édicté dans l'intérêt du patient, ne peut lui être opposé, d'autant plus quand la détermination de ses droits dépend des renseignements médicaux recherchés ; la compagnie d'assurances ne pouvait invoquer le secret médical pour refuser de communiquer et de verser aux débats le rapport d'expertise médicale qu'elle a fait diligenter pour déterminer l'origine et le taux d'incapacité de l'assuré, qui en sollicitait expressément la communication et la production aux débats dans ses conclusions ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé l'article 226-13 du code pénal et l'article R. 4127-4 du code de la santé publique, ensemble l'ancien article 1315 devenu l'article 1353 du code civil ; 2°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur une pièce qui n'a été ni produite aux débats ni soumise à la discussion contradictoire des parties ; qu'en se fondant sur une attestation reprenant les conclusions du rapport d'expertise médicale réalisé à la demande de l'assureur et dont le contenu n'a été ni versé aux débats ni communiqué à l'assuré, pour retenir que le taux d'incapacité de l'assuré était inférieur à 33% et pour exclure tout lien entre l'incapacité alléguée et son accident vasculaire cérébral, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Dans son arrêt rendu le 14 octobre 2021, la Cour de cassation rappelle au visa du dernier alinéa de l’article L. 112-4 du code des assurances que les clauses des polices édictant des exclusions de garantie ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
Dans cet arrêt, la 2ème Chambre Civile casse l’arrêt de la cour d’appel pour absence de base légale à sa décision.
La Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas voir recherché si la clause litigieuse était rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré sur la nullité qu'elle édictait.
Par cet arrêt, la haute Cour rappelle le principe selon lequel les clauses des polices édictant des exclusions de garantie ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères clairs, visibles et parfaitement compréhensibles.
Par ailleurs, la Cour suprême casse également l’arrêt d’appel, au visa de l’article 16 du code de procédure concernant le principe du respect du contradictoire et au visa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique qui dispose « que l'assuré doit avoir accès, à sa demande ou à celle de son conseil, au rapport de l'expertise médicale réalisée à l'initiative de l'assureur. »
En effet, la cour d’appel ne pouvait fonder sa décision sur les éléments issus d’une expertise non soumise à la discussion contradictoire des parties.
La Cour de cassation rappelle l’importance du caractère contradictoire de la discussion d’une expertise médicale réalisée de surcroît, de manière unilatérale par l’assureur, dont le secret médical ne peut être opposé pour refuser de le communiquer à son assuré.
En effet, le secret médical ne peut être opposé au patient dès lors que la détermination de ses droits dépend des renseignements médicaux recherchés.