Arrêt de la cour administrative d’appel de VERSAILLES du 26 mars 2024
Monsieur M. présentait des douleurs rachidiennes chroniques pour lesquelles il a bénéficié, lorsqu’il résidait en Algérie, d’une IRM en janvier 2011.
Son état neurologique s’aggravant progressivement avec apparition d’une faiblesse des membres inférieurs et de troubles sphinctériens, il a été transféré en France et pris en charge le 29 novembre 2011 à l’Hôpital BEAUJON (APHP).
Il a bénéficié d’une IRM mettant en évidence une malformation artério-veineuse médullaire connue avec hypersignal T2 intra-médullaire étendu de D11 à L2.
Le 1er décembre 2011, Monsieur M. a bénéficié d’une embolisation dans le but de stopper la progression de son état.
Si cette procédure a permis l’exclusion complète du nidus, il n’a pas été possible de retirer le micro-cathéter en raison de la survenue d’un vasospasme majeur au sein de l’axe spinal antérieur, ayant abouti le lendemain à une occlusion de l’axe spinal antérieur.
Au réveil, Monsieur M. a présenté une paraplégie complète et flasque qui n’a, malheureusement, jamais récupéré.
Le cabinet de Maître CARRE-PAUPART, avocat expert en droit médical, n’est intervenu qu’au stade de la procédure devant la cour administrative d’appel de VERSAILLES.
Préalablement, Monsieur M. avait saisi par l’intermédiaire d’un autre avocat, non spécialisé en droit médical, le Tribunal Administratif de CERGY PONTOISE qui avait rejeté sa demande indemnitaire.
Le Docteur G., Expert désigné dans le cadre de la première instance, avait alors rendu un rapport de non consolidation le 3 janvier 2014 dans lequel il concluait que l’accident qui s’est produit au cours de l’intervention chirurgicale ayant entraîné la paralysie de Monsieur M. – spasme de l’artère spinale antérieur sur le micro cathéter – est un aléa thérapeutique, sans pour autant évaluer le pourcentage de survenue d’une telle complication.
Le Tribunal Administratif, dans sa décision rendue le 4 juin 2015, a débouté le requérant de ses demandes.
Non informé de la décision qui ne lui avait pas été notifiée, Monsieur M. a saisi, seul, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation d’ILE DE FRANCE.
Les Experts R., neuroradiologue, et G., neurochirurgien, désignés par la CCI ont conclu au contraire à des négligences commises par l’APHP en particulier selon le neuroradiologue, à une mauvaise lecture de l’artériographie conduisant ainsi à un mauvais choix thérapeutique.
Fort de ce rapport, dans son avis rendu par la CCI en date du 12 octobre 2017, la Commission a retenu la responsabilité de l’APHP.
Suite à cet avis, aucune offre d’indemnisation n’a été formulée par l’APHP pour l’indemnisation de son préjudice corporel.
L’ONIAM qui, estimant que le jugement rendu le 4 juin 2015 était définitif, a refusé de se substituer.
Monsieur M. a alors saisi le cabinet de Maître CARRE-PAUPART pour savoir si un recours était envisageable.
N’ayant jamais été destinataire de la décision défavorable rendue par le Tribunal Administratif, laquelle n’avait été signifiée qu’à son précédent avocat, le cabinet de Maître CARRE-PAUPART a sollicité de la juridiction qu’une notification de cette décision lui soit adressée à son domicile.
C’est ainsi que Monsieur M. a reçu le 24 juin 2021 la notification du jugement rendu le 4 juin 2015 par le Tribunal Administratif de CERGY-PONTOISE, lui permettant ainsi de former appel de cette décision, soit plus de 6 années après la décision rendue.
Par arrêt rendu en date du 30 mars 2023, la cour administrative d’appel de VERSAILLES a :
Dans son rapport déposé en date du 9 novembre 2023, l’Expert P. a conclu à la survenue d’une complication non fautive à type de vasospasme lors de l’embolisation qui entre dans le cadre des complications tout à fait exceptionnelles de ce type d’intervention (tellement exceptionnelle qu’il n’a pas été retrouvé de description statistiquement utilisable dans la littérature)
Par arrêt rendu en date du 26 mars 2024, la Cour Administrative de VERSAILLES a considéré que Monsieur M. avait bien été victime d’un accident médical non fautif indemnisable par l’ONIAM :
« Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Pour apprécier le" caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.
Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'intervention d'embolisation du 1er décembre 2011, destinée à traiter par voie endovasculaire la malformation artérioveineuse medullaire dont souffrait M. M., un vasospasme mécanique a rendu impossible le retrait sans danger d'un micro cathéter et que cette complication non fautive a entraîné une thrombose, à l'origine de la paraplégie complète et flasque des membres inférieurs dont est atteint de manière définitive M. M. Ainsi, le dommage dont il demande réparation, lequel, eu égard au taux d'incapacité permanente de 70% retenu par les différents experts, présente un caractère de gravité au sens des dispositions précitées, résulte directement de l'intervention du 1 er décembre 2011.
En outre, le rapport du neurochirurgien du 13 novembre 2023, lequel précise que la malformation artérioveineuse médullaire est une pathologie rare, indique que la survenue d'un vasospasme à l'occasion d'une embolisation par voie endovasculaire est exceptionnelle, aucune description d'une telle complication n'ayant été retrouvée dans la littérature scientifique, et ajoute que ce type d'intervention présente un risque pour le patient de subir une aggravation de son état neurologique, estimé entre 4% et 20% selon les articles cités. Or, parmi ces études, la seule faisant état, selon l'expert, d'un risque de dégradations neurologiques qualifiées de sévères ou importantes, et donc comparables à celles subies par M. M., évalue ce risque à 4%. Il y a donc lieu d'estimer qu'en l'espèce, la probabilité de survenance d'une complication du même type que celle qui a causé le dommage et entraînant une aggravation sévère de l'état neurologique du patient présentait le caractère d'une probabilité faible.
Le dommage subi par M. M. satisfait ainsi à l'ensemble des conditions prévues par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique pour bénéficier d'une réparation au titre de la solidarité nationale. »
Dans son arrêt, la cour administrative d’appel de VERSAILLES, sur la base du rapport d’expertise, a estimé néanmoins que dans l’hypothèse d’un traitement endovasculaire sans complication, il ne pouvait être affirmé que Monsieur M. n’aurait pu éviter de manière certaine l’aggravation de son état neurologique inhérent à sa pathologie initiale d’ores et déjà évoluée.
Il a été retenu une indemnisation pour son préjudice corporel à la hauteur d’une perte de chance évaluée à 50%.
Après plus de 10 années de procédure, Monsieur M. a ainsi pu bénéficier d’une indemnisation pour la somme totale de 327.402 euros, se décomposant comme suit :
Pour toute question, vous pouvez joindre le Cabinet de Maître CARRE-PAUPART, intervenant auprès des victimes d’accidents médicaux.